Toute chose finit par passer

Au moment où l’on se parle, je suis en pleine traverse du Canada. En char, avec trois autres humains et un chien, Denis. Déjà là, on s’assure un inconfort garanti, et ce pendant quatre jours. Ma mère m’avait bien demandée si j’étais certaine de vouloir me taper un roadtrip d’Est en Ouest prise deux. Puisque l’année d’avant j’ai traversé le pays dans un camper 1983 n’ayant pas touché la route depuis une dizaine d’années. Le résultat a été: une semaine, pris en Ontario à réparer le moteur old school.

T’sais, lonnnnnnnnnnnntario, ça t’en prend pas bien long pour en avoir eu assez. Tu penses que tu fais du progrès, ça fait un bon deux jours que vous conduisez, et puis tu demandes à un local combien de temps avant la frontière du Manitoba. La réponse te tue, à chaque fois: «..Oh boy, long trip you guys are doing hen ? Yeah, you still have a good ten hours of drive. » « Ah merci madame, je vais vous prendre un bon café (qui même avant d’y avoir trempé mes lèvres, me déçoit déjà) et puis une carte des provinces s’il vous plaît. » Tu te mets sur cruise control pis toute va bien aller.

Pendant ces quatre jours, tu essaies d’établir  ta zone de confort et tu l’explores de toutes les manières possibles. On t’a attribué un espace de vie pas plus gros que cinq pouces et demi au carré. Tu testes toutes les positions imaginables; tous les angles. Tu le sais à la fin c’est quoi ton set-up. Chaque élément de la voiture tient une place importante au sein du processus. Bref, tu joues à Tetris avec ta vie et tu essayes aussi de te rappeler que t’as entièrement décidé de le faire, ce trip.  T’es supposé avoir du fun.

Mais c’est là que les roadtrips te font réaliser que toute chose finit par passer. Du mal de cœur, jusqu’à l’excitation à l’idée du prochain arrêt. Du bonheur que tu ressens en prenant la route tôt le matin, jusqu’à l’envie de ne plus exister.  Des fourmis dans les jambes, jusqu’à l’extase d’avoir franchi la frontière ontarienne. Du C-D qui joue depuis deux jours et que tu jetterais à bout de bras, jusqu’à ces moments où tout le monde vibent sur une chanson.

Ah, et Denis qui te pile dessus; mais t’sais, tu lui pardonnes parce que lui dans le fond, il s’est réveillé un beau matin, une journée bien normale. Pensant retourner à la maison le soir venu; mais non, on le fait embarquer dans  un char avec trois inconnus. Et ses bagages eux ? Ses plans de la veille ? Ben non, SURPRISE! Tu pars en voyage et tu le savais même pas.

La pancarte écrit WELCOME TO MANITOBA, elle te met le sourire aux lèvres. Les prairies, c’est pas ce qu’il y a de plus excitant en terme de paysage, mais juste le fait d’être en Saskatchewan c’est déjà comique. En Alberta, les Rocheuses te donnent une raison d’ouvrir tes yeux fatigués et d’enjoy la route.

Arrivés à Banff, la famille éloignée accepte de nous laisser camper dans la cour arrière. Joie! Frette comme jamais, 6:45 Am, je me réveille. En voyage, impossible de loafer dans mon cocon le matin. Ce qui se passe à l’extérieur de ma petite maison de deux millimètres d’épaisseur de toile est beaucoup trop mystérieux pour m’enfouir dans mon sleeping et végéter. Je me mets à la recherche de toilettes. Une fois sur les trottoirs du village encore endormi, boom! Deux chevreuils devant mes yeux fraîchement éveillés; ils sont là à chiller tranquillement. Je suis là, à rire parce que la vie est belle comme ça.

Remerciements au Starbucks pour les installations sanitaires. On dépose deux moussaillons et on se dirige vers le skatepark. Un café en main, entourés d’immenses montagnes couvertes de neige blanche, on respire le grand air, on a le soleil au-dessus et le skate sous nos pieds. Un vent de good vibe; un vent de l’Ouest quoi. Pour vrai Banff, je t’aime. On se met en route, puisqu’il y a une job qui nous attend à Prince George, la capitale du nord de la Colombie-Britannique. On s’en va planter des arbres.

Des conditions de travail qui, je dois l’avouer, m’attirent grandement. Être dans le fin fond des bois pendant trois mois à travailler dans la nature. Pouvoir s’endormir tous les soirs sous un ciel étoilé dans ton petit royaume de toile waterproof. Sans oublier l’inexistence du Wi-Fi, qui nous permet donc de pleinement vivre le moment présent. Être nourri trois fois par jour par des cuisiniers. Bref, une fille heureuse.

Le parc national de Jasper ne te donne pas une seconde de repos. Tu veux juste toute regarder en même temps, tout l’temps, c’est incroyablement beau. Ça me rappelle la Nouvelle-Zélande, spécialement la route 16 west (celle où l’on entend des histoires macabres à travers le bouche à oreille québécois). Peu importe les histoires, c’est une route magique. Un flow magique. On s’arrête une fois de temps en temps pour errer avec des chèvres de montagne. Il est 8 :00 pm et le soleil est fièrement up in the sky. Il brille, peu importe l’heure qu’on lui attribue. Le vent frais, des routes infinies, des chaînes de montagnes majestueuses et le soleil de l’Ouest. On roule, on se sent invincibles. On recule dans le temps, on chase the sun. (Référence au changement d’heure).

Donc deux ours, deux renards, quatre chevreuils, quatre caribous et une quinzaine de chèvres de montagne plus tard; on aperçoit Prince George. Qui, soit dit en passant, est la ville détenant le statut du plus haut taux de criminalité au Canada. Sur ce, le seul choix légitime qui s’offre à nous en cette nuit sombre, c’est un motel. On s’avoue haut et fort qu’on a toujours voulu, un jour dans notre vie, vivre l’expérience d’un motel crado kitsch. On entend parler du Connaught Inn, apparemment c’est là que les tree planters vont quand ils débarquent à P.G.

René à la réception nous informe d’un rabais de dix dollars dû à l’absence d’eau chaude. Ça fait cinq jours qu’on n’a pas pris nos douches, okay René, c’est correct. Il nous informe également de ne pas accepter les offrandes de quelconque boisson puisqu’ici, c’est très fréquent de te faire empoisonner et de te réveiller le lendemain matin dérobé de tes biens. On se regarde étonnés, le sourire en coin. En tous cas,  go hard or go home dans tes histoires de motel sketch. L’ampoule brûle en plein milieu de ma douche froide, on se boit du vino sur notre balcon donnant sur le Wendy’s et puis on s’enfouit dans nos couvertes jaune moutarde.

Le Canada, c’est notre pays. Même si tu peux le survoler en quelques heures, à mon avis les rocheuses et le vent frais en valent les jours de conduite. Dans la vie, quand tu décides de prendre le chemin plus sinueux, c’est là que les histoires cocasses s’accumulent, non?  Pis t’sais, même si tes conditions de vie en mange une claque, de toute façon, toute chose finit par passer.

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One thought on “Toute chose finit par passer

  1. Très chère Sarah,

    Quelle expérience tu viens de faire! Traverser le Canada en 4 jours, du Québec à la C-B en voiture avec trois compagnons et un chien… Cela demande du courage, de la patience, de la persévérance et de la détermination mais aussi beaucoup de folie… pour s’aventurer dans une telle expérience. Bon, comme tu le dis, il y a toujours un côté positif à chaque expérience… Mettre les pieds en Alberta et redécouvrir Banff même si c’est pour quelques heures, cela en vaut la peine. Je suis bien d’accord avec toi. C’est un vrai paradis sur terre. Puis tu poursuis ta route et tu découvres un autre coin tout à fait merveilleux, les Rocheuses canadiennes, et c’est là que tu réalises encore une fois que cela en valait vraiment la peine… Ce sont des expériences inoubliables gravées dans ta mémoire et dans ton cœur.

    Merci d’avoir partagé ces moments avec moi, je l’apprécie du fond du cœur.

    Je t’embrasse et j’ai bien hâte de lire la suite de ton voyage!

    Sylvie xxx

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